Les mutations forcées ou des salariés corvéables à merci

   

Afin de rendre plus entendable le titre de l’article, je me permets un petit rappel historique de l’expression :

« La taille était un impôt que le serf devait à son seigneur. C’était un impôt très impopulaire car les bourgeois, les gens d’églises et les nobles, en bref l’élite, ne devaient pas l’acquitter. En plus de la taille, le paysan devait des journées de travail supplémentaires et gratuites à son maître. C’était les corvées et c’est ce qui est appelé aujourd’hui la journée de solidarité, entre autres taxes comme la CSG et RDS. Le serf était donc taillable c’est-à-dire aujourd’hui corvéable à merci. Le nombre d’heures dues étaient fixées de façon arbitraire par le seigneur. Ce qui était bien pratique pour lui mais qui a suscité par la suite quelques velléités d’égalité. »

Sans être coutumière du fait de déplacement forcé autant que sans réelle consultation préalable du CSE ou du salarié concerné, l’ADSEA 80 se forge librement un nouveau paradigme dans le domaine d’utilisation de la force de travail des salariés. Ce n’est pas un usage courant dans l’association mais…

Il semble poindre à travers ce nouveau dogme une volonté de disposer des salariés selon le bon vouloir de têtes pensantes grassement rétribuées sur un budget que l’on nous dit fragile et déficitaire, totalement ou presque décalées de la réalité du travail de terrain, selon un schéma qui échappe au simple travailleur lambda.

En effet, ponctuellement des salariés sont mutés dans diverses structures de l’association sans pouvoir exposer de façon satisfaisante, lorsque ce droit leur est accordé, leurs arguments et ressentis sur un sujet si important. C’est un début.

 Un dossier de jurisprudence pour un servage à merci est en train d’être construit et étayé pierre après pierre.

Preuve en est qu’il est discuté depuis des années des dispositions à mettre en place afin de prélever dans leurs services des éducateurs dits « aguerris » (en bref de vieux éducateurs) pour renforcer des équipes qui ne se structurent pas suffisamment fortement : l’alternative est de forcer cette mobilité ou de faire appel à une sorte de solidarité ou d’envie Cette idée revient aujourd’hui encore comme une taupe au bord de son trou.

Mais aucune prime n’est envisagée, aucune valorisation de quelque nature qu’elle soit pour décider ou encourager qui que ce soit à la mobilité. On reconnaît des qualités, on les veut mais on est prêt à les prendre par la force…

Aucune remise en question relative à l’inféodation aux organismes de tutelle qui imposent leurs diktats en termes d’admissions inappropriées, de projets de service piétinés et d’encadrement inadaptés quantitativement et qualitativement par incidence aux cas dits complexes ou à double vulnérabilité (toujours en deçà des besoins et sans recrutement de personnel spécialisé).

Alors la solution qui semble percer et mériter l’affection toute particulière de l’employeur est la mobilité coercitive. Aucun égard, aucune prise en compte de la maltraitance de la méthode, aucune reconnaissance du professionnalisme des jeunes éducateurs ni de leurs n+1 ou 2… et surtout aucune remise en question de son inféodation aux tutelles, de son manque d’énergie pour défendre un travail social et médico-social fort et riche pour les usagers et les salariés.

Ces mutations forcées ne font-elles pas écho au servage des temps féodaux ?!!

Pour en revenir aux effets secondaires de ces mutations d’éducateurs dits « aguerris », solution miraculeuse s’il en est pour renforcer des équipes en difficulté, je pense qu’il n’est tenu aucun compte de l’effet boomerang de la méthode.

Procéder de la sorte c’est un peu pointer l’incapacité d’une équipe entière, des éducateurs à la direction, autant que l’aveu qu’ils ne sont pas soutenus efficacement par leur direction des ressources humaines ou par la direction générale.

Ces éducateurs aguerris seront-ils perçus comme des « m’as-tu vu » imbus d’on ne sait quel savoir supérieur, de nouveaux chefs dans l’équipe, des formateurs, des papas-mamans, des messies, l’ultime vaccination ?

Procéder de la sorte c’est un peu déstructurer des équipes qui fonctionnent sans en mesurer les conséquences (ne parlons pas du coût humain il n’est à priori pas de mise) ; ensuite ces « mutés ou mutants ? » devront suivre les jeunes au fur et à mesure des déplacements et de l’évolution de ces usagers dans les diverses structures de l’ADSEA.

Avoir pensé à cela ne serait-il pas l’ultime issue pour se dédouaner et éviter toute remise en question ? Trop de cas complexes, de double vulnérabilité qui entrent par la porte des petits sans psychiatre sur place, sans EJE… Lorsqu’au sein même de notre association les structures spécialisées ne parviennent pas à canaliser certains jeunes (souvent perçus comme dangereux) malgré l’importance de leurs moyens,  ces adolescents échouent, et le terme est choisi, dans la MECS ; alors si en plus nous ouvrons la porte à tout vent pour dérouler un tapis rouge au département ou à l’ars

Procéder de la sorte c’est véritablement maltraiter le personnel et incidemment les jeunes accueillis en croisant les doigts pour qu’un soignant, car c’est ce que nous sommes, malmené et mal à l’aise puisse accompagner dignement et de manière optimale des jeunes en souffrance….

Je l’avais déjà dit : les fondations de ce procédé reposeraient sur le dédain et le peu d’importance qui est accordé au bien-être des salariés, personnels déplaçables à tout moment sur une table de jeu au gré du caprice des vents que les tempêtes provoquées par le peu d’opiniâtreté et d’ardeur déployées pour filtrer les admissions en concordance avec les projets de nos structures ont aujourd’hui généré.…

Et ceci n’est pas sans douloureusement rappeler à mon souvenir la fermeture des 20 lits au FEP ordonnée en 2019 par les seigneurs du département et la fuite de personnels qu’elle a pu engendrer justement par manque de réel libre arbitre.

Je me suis suffisamment exprimé sur le sujet pour que chacun sache quelle est ma position, autant en ce qui concerne la méthode que l’onirique résultat auquel ceci pourrait conduire.

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