En fin d’année, plusieurs cas de figure se présentent en termes d’organisation du temps de travail, plusieurs interrogations aussi et nous sommes tous un peu perdus, obligés de nous fier à la clairvoyance et à la pure technicité de l’employeur.
Afin d’aider les uns et les autres, salariés et employeur, la CGT ADSEA 80 vous propose un résumé des points qui sont régulièrement remontés par certains d’entre nous.
I – ANNUALISATION-CONGES-HEURES SUPPLEMENTAIRES OU DEFICITAIRES
En France, la gestion de l’annualisation du temps de travail et des congés payés est encadrée par le Code du travail et peut être étayée par des accords collectifs. Voici les points clés concernant nos droits :
- Annualisation du temps de travail
L’annualisation du temps de travail permet de répartir les heures de travail de manière inégale sur l’année, en fonction des besoins des établissements, tout en respectant un total précis d’heures sur l’année. (Cf. tableau article 2 de l’accord collectif relatif à l’organisation du temps de travail du 8 juillet 2016)
- Heures non réalisées et heures supplémentaires
En fin d’année n, que le compteur annuel soit débiteur ou créditeur, il doit être remis à 0 au 1er janvier de l’année n+1. Soit simple remise à 0, soit paiement des heures supplémentaires avec les majorations légales respectivement.
Les heures effectuées au-delà de la 39ème heure par semaine seront soumises au régime des heures supplémentaires le mois où elles sont effectuées. (Article 5-5 de l’accord collectif relatif à l’organisation du temps de travail du 8 juillet 2016) En d’autres termes, ces heures supplémentaires sont rémunérées même si le compteur annuel d’heures est déficitaire (négatif).
- Congés payés non pris
La question qui se pose est de savoir si l’employeur peut « ponctionner » des congés payés non pris pour compenser des heures non réalisées.
Le Code du travail ne permet pas de déduire des congés payés pour compenser des heures de travail non réalisées. Les congés payés sont un droit du salarié et ne peuvent être utilisés de cette manière.
- Responsabilité de l’employeur
Dans le cas où des congés payés n’ont pas été pris en raison de l’impossibilité pour le salarié de le faire, (organisation imposée par l’employeur ou arrêt maladie par exemple), cela peut entraîner une situation où l’employeur doit prendre en charge ces congés non pris et ne peut pas les utiliser pour compenser des heures non réalisées. Il peut aussi les reporter sur l’année n+1 sans toutefois pouvoir défalquer ces jours du compteur annuel de l’année n.
En effet, ce pourrait être par exemple une tentative de sa part « d’effacer » des heures supplémentaires réalisées et qui peut-être justement expliquent le fait que le salarié n’ait pas pu poser ses jours de congé.
- Situations possibles
Dans le cadre de l’annualisation, plusieurs cas de figure peuvent se présenter :
En fin d’année,
- a) le salarié a réalisé toutes ses heures,
- b) le salarié affiche un compteur d’heures excédentaire,
- c) le salarié affiche un compteur d’heures déficitaire. (arrêts maladies longs par exemple)
Parallèlement, il peut arriver, du fait de l’organisation du travail imposée par l’employeur ou de la maladie, que le salarié n’ait pas pu poser tous ses jours de congés payés.
Par conséquent, la loi prévoit :
- Rétribution des congés par l’employeur si accord : indemnité compensatrice de CP ou report intégral des CP non pris à l’année n+1(sans majoration)
- Rétribution des heures supplémentaires + cf. a)
- Remise du compteur à zéro + report intégral des CP non pris à l’année n+1(sans majoration)
- CP convertibles en heures ?
Non, les CP ne sont pas convertibles en heures !
Il existe une neutralité des CP qui n’autorise pas cette opération. Les CP sont comptés en jours et non en heures, l’employeur le sait très bien puisqu’il utilise ceci dans diverses situations, illustration :
- Les salariés en temps partiel, un mi-temps par exemple (mais c’est valable pour tout type de temps partiel), génèrent des jours entiers de CP et non des demi-journées…
- Si mon emploi du temps est établi dans l’année selon un roulement prédéfini, : lundi 8h00, mardi 3h00, mercredi 7h00, jeudi 10h00 et vendredi 7h00, comment sont comptabilisés mes heures en cas de pose acceptée de jours de congés, d’ancienneté par exemple ? Je les 3 premiers jours et chaque jour vaut un CP ! pas 8, 3 et 7 heures… l’employeur ne rend pas au salarié 1 heure le lundi et 4 le mardi en se basant sur une équivalence fantasmatique d’un CP qui « vaudrait » 7h00 !!!
De plus, les CP acquis l’année n et reportés sur l’année n+1 demeurent des droits acquis au titre de l’année de référence, c’est-à-dire l’année n.
Conclusion
L’employeur ne peut pas déduire des congés payés non pris pour compenser des heures non réalisées ou éviter de régler des heures supplémentaires réalisées dans le cadre d’une annualisation.
La CCN 66 ne prévoit pas de possibilité de procéder à ce type de « ponction ». (Article 28 : cet article traite de la gestion du temps de travail, notamment de la possibilité de mettre en place des aménagements du temps de travail pour tenir compte des fluctuations du besoin en personnel dans le cadre de l’annualisation, mais cela ne permet pas de déduire des congés payés pour des heures non réalisées).
Dans tous les cas, la règle de base est que les congés payés sont un droit et ne doivent pas être utilisés pour compenser des manques d’heures dans le cadre de l’annualisation du temps de travail ou éviter la rétribution des heures supplémentaires.
II – REFERENCES JURIDIQUES ET ANALYSE DES SITUATIONS
L’exposé ci-dessus s’appuie sur des principes de base du droit du travail et de la jurisprudence dont vous trouverez la trame principale ici :
- Les congés payés sont un droit distinct et protégé
Les congés payés relèvent d’un droit individuel garanti par le Code du travail (articles L3141-1 et suivants). Voici les principes clés applicables :
- L’article L3141-3 du Code du travail dispose que tout salarié a droit à un congé annuel payé de 2,5 jours ouvrables par mois travaillé, soit 30 jours ouvrables pour une année complète.
- L’employeur est responsable de veiller à ce que les congés soient pris dans la période légale ou conventionnelle, comme le stipule l’article L3141-16 du Code du travail. En cas d’empêchement lié à l’organisation ou à un refus abusif de l’employeur, ce dernier engage sa responsabilité.
Conséquence :
Les congés payés ne peuvent pas être assimilés à des heures de travail ou à un déficit d’heures. Ils constituent un droit indépendant de la gestion du temps de travail (compteur annuel d’heures).
- Le report des congés payés en cas d’empêchement
Lorsqu’un salarié n’a pas pu prendre ses congés pour des raisons indépendantes de sa volonté (notamment un empêchement imputable à l’employeur), il a droit à un report de ces congés. Ce principe est reconnu par :
- L’article L3141-16 du Code du travail, qui impose à l’employeur de permettre au salarié de prendre ses congés avant la fin de la période de référence.
- La jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. soc., 28 sept. 2010, n° 08-44019), qui précise que si l’employeur empêche la prise des congés, ceux-ci doivent être reportés, même au-delà de la période légale.
Cas particulier des conventions collectives :
La CCN 66 ne prévoit pas de dérogation spécifique à ce principe. Par conséquent les congés payés non pris doivent être intégralement reportés à l’année suivante.
- L’indemnité compensatrice de congés payés
Si le report des congés n’est pas possible (par exemple, à cause de contraintes organisationnelles ou de la fin du contrat de travail), le salarié a droit à une indemnité compensatrice en application de l’article L3141-28 du Code du travail.
Cette indemnité correspond à la rémunération des congés payés non pris et ne peut être remplacée par une pénalisation dans le compteur d’heures.
- Incompatibilité avec la déduction du compteur d’heures
Si l’employeur souhaite déduire les jours de congés non pris du compteur annuel d’heures, ceci est juridiquement incorrect :
- Les congés payés et le temps de travail sont deux notions distinctes. Le compteur annuel d’heures est un outil de gestion des horaires, tandis que les congés payés sont un droit légal acquis.
- Une telle déduction reviendrait à transformer vos congés en heures à travailler, ce qui constitue une violation des droits du salarié.
- Cette pratique serait contraire à l’article L3141-3 du Code du travail et à la jurisprudence (Cass. soc., 24 février 2009, n° 07-44012), qui confirment que les congés payés ne peuvent être remplacés que par une indemnité compensatrice.
